750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
CNRS : Cuisiner Nuit Rarement à la Santé
8 novembre 2012

Hippomène et Atalante : des pommes pour séduire votre bien aimé(e)

C'est Vénus qui raconte cette histoire à Adonis :

 "Peut-être as-tu eu vent d'une fille qui surpassait à la course
des hommes rapides ; cette rumeur n'était pas une fable ;
elle les surpassait en effet ; et on ne pourrait dire si elle l'emportait
grâce au prestige de son agilité ou grâce à l'avantage de sa beauté.
Interrogeant le dieu à propos d'un époux, elle l'entendit lui répondre :
“ Tu n'as nul besoin d'un époux, Atalante ; fuis toute union conjugale ;
pourtant, tu n'y échapperas pas et
, vivante, tu seras privée de ta vie ”.
Terrifiée par l'oracle divin, elle vit seule au fond des forêts
et, en leur imposant une condition cruelle, elle fait fuir ses prétendants
qui se pressent en foule : “ Je ne serai à personne”, dit-elle,
 
“ à moins d'être vaincue à la course ; luttez de vitesse avec moi.
Comme prix, le plus rapide obtiendra ma main et mon lit,
le prix des plus lents sera la mort ; telle sera la loi du combat ”.
Loi sans douceur, certes ; mais, le pouvoir de la beauté est tel
que la masse des prétendants s'y soumet sans réfléchir.
  Hippomène, qui assistait en spectateur à cette course inégale, avait dit :
“Qui peut vouloir une épouse au prix de si grands dangers ? ”
Et il avait désapprouvé l'amour excessif de ces jeunes gens.
Mais dès qu'il vit le visage d'Atalante, et son corps dévêtu,
un corps comparable au mien, ou au tien, si tu étais femme,
il resta interdit et, levant les mains, il dit : “ Pardonnez-moi,
vous que je viens d'accuser ! Le prix que vous cherchiez
ne m'était pas encore connu. ” En la louant, il sent un feu en lui,
souhaite qu'aucun des jeunes gens ne la dépasse à la course,
et, jaloux, le redoute. “ Mais pourquoi laisser passer
ce concours sans tenter moi-même ma chance ? ”, dit-il
“ La divinité même favorise les audacieux ! ” Plongé en lui-même,
Hippomène réfléchit, tandis que la jeune fille s'envole de son pas ailé.
La flèche d'u
n Scythe n'a pas paru aux yeux du jeune Aonien
moins rapide qu'Atalante, mais pourtant c'est sa beauté
qui l'émerveille le plus ; d'ailleurs la course même la rend belle.
La brise entraîne les liens de ses chevilles derrière ses pieds agiles,
on voit flotter ses cheveux sur ses épaules d'ivoire,
et sous ses genoux, ses genouillères avec leur lisière brodée 
;
son corps juvénile, éclatant de blancheur, s'était teinté de rose,
comme lorsque un
voile pourpre, tendu au-dessus des atria,
couvre leurs marbres blancs d'ombres qui semblent pourprées.
Tandis que l'étranger note ces détails, Atalante, une ultime fois,
a contourné la borne et reçoit la couronne qui fête sa victoire.
Les perdants en gémissant subissent la peine convenue.
Pourtant le jeune homme, que ne dissuade pas le sort de ces malheureux,
se dressa au milieu du champ de course, les yeux fixés sur la jeune fille :
“ Pourquoi chercher une gloire facile, en triomphant d'incapables ?
Mesure-toi à moi. ” dit-il. “ Ou bien
la fortune me donnera de l'emporter,
et tu n'auras pas à t'indigner d'avoir eu un vainqueur si prestigieux ;
en effet, j'ai pour père
Mégarée d'Onchestos, et son aïeul
c'est Neptune ; je suis ainsi l'arrière petit-fils du roi des eaux
et ma valeur ne le cède pas à ma naissance. Ou bien
je serai vaincu,
et la défaite d'Hippomène te vaudra un nom considérable et fameux. ”
Pendant qu'il parle,
la fille de Schénée le regarde d'un air attendri,
se demandant si elle préférerait être vaincue ou victorieuse,
et elle dit : “ Quel dieu, défavorable aux beaux jeunes gens,
veut le perdre et lui ordonne de chercher à s'unir à moi
au péril de sa précieuse vie ? À mon avis, je ne vaux pas ce prix.
Ce n'est pas sa beauté qui me touche – pourtant elle le pourrait –,
mais il est encore un enfant ; ce n'est pas lui qui m'émeut, mais son âge.
Quoi ? n'est-il pas valeureux et son esprit ne défie-t-il pas la mort ?
Quoi ? n'est-il pas la
quatrième génération issue du roi des mers ?
Quoi ? Ne m'aime-t-il pas et n'attache-t-il pas à notre union du prix
au point d'accepter de mourir si le destin cruel me refusait à lui ?
Tant que tu le peux, étranger, pars, fuis des noces sanglantes.
M'épouser est chose cruelle ; nulle femme ne refusera de s'unir à toi,
et tu es susceptible d'être désiré par une fille pleine de raison.
Mais pourquoi me soucier de toi, après tant de morts déjà ?
À lui de voir ; qu'il meure puisque le meurtre de tant de prétendants
ne l'a pas mis en garde et puisque le dégoût de vivre l'anime.
Cet homme va donc mourir, pour avoir voulu vivre avec moi,
et il subira une mort imméritée pour prix de son amour ?
Ma victoire me vaudra une haine insupportable.
Mais ce n'est pas ma faute ! Mon voeu est que tu renonces,
ou, puisque tu es insensé, puisses-tu être plus rapide que moi !
Mais quel pur regard éclaire son visage d'enfant !
Ah ! Infortuné Hippomène, si tu ne m'avais pas vue !
Tu méritais de vivre ; et si j'avais plus de chance,
si des destins contraires ne m'interdisaient le mariage,
  tu serais le seul avec qui je voudrais partager ma couche. ”
Elle avait parlé et, naïve, atteinte une première fois par le désir,
ignorant ce qu'elle fait, elle aime sans comprendre qu'elle aime.
Déjà
peuple et nobles réclament les courses au programme,
lorsque Hippomène, le descendant de Neptune, m'invoque

d'une voix inquiète et dit : “ Que Cythérée assiste, je l'en supplie,
mon acte audacieux, et favorise les feux qu'elle a allumés en moi. ”
La brise bienveillante m'apporta cette prière touchante, et, je l'avoue,
j'y fus sensible. Il ne restait pas beaucoup de temps pour intervenir.
Il est un champ, que les gens du lieu appellent
champ de Tamasos,
la partie la plus riche de l'île de Chypre ; leurs ancêtres jad
is
me l'ont consacré, ordonnant d'en faire une dot ajoutée
à mes temples. Au milieu du champ, resplendit un arbre
au fauve feuillage, dont on entend bruire les rameaux d'or fauve.
Je venais justement de là et j'apportais trois pommes d'or,

cueillies de ma main. Invisible pour tous, excepté pour lui,
j'allai vers Hippomène et lui expliquai quel usage en faire.
Les trompes avaient sonné  : les deux coureurs, penchés en avant,
s'élancent de la ligne de départ, effleurant le sable de leurs pieds agiles.
On
pourrait penser qu'ils rasent la surface des flots à pied sec,
et qu'ils courent sans les coucher sur les épis d'une blonde moisson.
Le jeune homme se sent encouragé par la clameur et la sympathie
du public qui crie : “ C'est maintenant, maintenant le moment,
Hippomène, hâte-toi ! Vas-y de toutes tes forces, c'est le moment !
Ne traîne pas, tu seras vainqueur ! ” On ne sait qui apprécie le plus
ces paroles : le héros, fils de Mégarée, ou la fille de Schénée.
Que de fois, alors que déjà elle aurait pu le dépasser, elle s'est attardée

à contempler longtemps son visage et ne l'a distancé qu'à regret !
Le jeune homme épuisé haletait, avait la bouche sèche
et la borne était loin ; alors le descendant de Neptune
lança finalement un des trois fruits de l'arbre.
La jeune fille fut surprise ; attirée par la pomme brillante,
elle détourne sa course et ramasse cet or qui roule sur le sol.
Hippomène la dépasse ; les gradins résonnent sous les applaudissements.
Elle, d'un pas accéléré, corrige son retard et regagne le temps perdu.
Une nouvelle fois elle laisse le jeune homme derrière elle ;
puis à nouveau mise en retard par le lancement de la seconde pomme,
elle rattrape et dépasse le garçon. Restait la dernière phase de la course :
“ Maintenant ”, dit-il, “aide-moi, déesse, toi, l'auteur de ce présent !”
Et sur un côté de la piste, pour retarder le retour d'Atalante,
il lança en oblique avec sa force juvénile le fruit d'or étincelant.
La jeune fille sembla hésiter à aller la chercher :  je la forçai
à la ramasser, et rendis plus lourde la pomme qu'elle avait soulevée, 
gênant sa course tant par le poids à porter que par le retard occasionné.
Pour éviter de parler plus longuement que la durée de la course,
la fille fut distancée et, pour prix de sa victoire, le vainqueur l'épousa."

Ovide, les Métamorphoses, X.

Publicité
Publicité
Commentaires
CNRS : Cuisiner Nuit Rarement à la Santé
Publicité
Archives
Albums Photos
Publicité